Hérille, soit quâil parle, quâil harangue ou quâil écrive, veut citer : il fait dire au Prince des philosophes que le vin enivre, et à lâOrateur romain que lâeau le tempère. Cependant quâa-t-il dû faire ? Jâen vois un autre que tout le monde aborde ; mais il est en faveur. quelle valeur ! Il fait pis : il distribue à ses domestique leurs provisions dans une certaine mesure dont le fond, creux par-dessous, sâenfonce en dedans et sâélève comme en pyramide ; et quand elle est pleine, il la rase lui-même avec le rouleau le plus près quâil peut ⦠De même, sâil paye à quelquâ un trente mines quâil lui doit, il fait si bien quâil y manque quatre drachmes, dont il profite. Le moraliste classique, Jean de La Bruyère fait paraître Les Caractères en 1687. Si quelquefois ils entrent dans leur cuisine, ils mangent avidement tout ce quâils y trouvent, boivent tout dâune haleine une grande tasse de vin pur ; ils se cachent pour cela de leur servante, avec qui dâailleurs ils vont au moulin, et entrent dans les plus petits détails du domestique. Câest une pure hypocrisie à un homme dâune certaine élévation de ne pas prendre dâabord le rang qui lui est dû, et que tout le monde lui cède : il ne lui coûte rien dâêtre modeste, de se mêler dans la multitude qui va sâouvrir pour lui, de prendre dans une assemblée une dernière place, afin que tous lây voient et sâempressent de lâen ôter. Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident : ils en sont les premiers surpris et consternés. et si vous en avez, câest sans doute de celui qui est beau et convenable : vous voilà donc un bel esprit ; ou sâil sâen faut peu que vous ne preniez ce nom pour une injure, continuez, jây consens, de le donner à Eurypyle, et dâemployer cette ironie comme les sots, sans le moindre discernement, ou comme les ignorants, quâelle console dâune certaine culture qui leur manque, et quâils ne voient que dans les autres. Lâon a enfin banni la scolastique de toutes les chaires des grandes villes, et on lâa reléguée dans les bourgs et dans les villages pour lâinstruction et pour le salut du laboureur ou du vigneron. Celui qui dit : Je dînai hier à Tibur, ou : Jây soupe ce soir, qui le répète, qui fait entrer dix fois le nom de Plancus dans les moindres conversations, qui dit : Plancus me demandait⦠Je disais à Plancusâ¦, celui-là même apprend dans ce moment que son héros vient dâêtre enlevé par une mort extraordinaire. Je ne sais sâil est permis de juger des hommes par une faute qui est unique, et si un besoin extrême ; ou une violente passion, ou un premier mouvement tirent à conséquence. Lâimpertinent est un fat outré. Câest prendre le change et cultiver un mauvais goût que de dire, comme lâon fait, que la machine nâest quâun amusement dâenfants et qui ne convient quâaux Marionnettes : elle augmente et embellit la fiction, soutient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plaisir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux. Vous dites dâun tiercelet de faucon qui est fort léger, et qui fait une belle descente sur la perdrix : » Voilà un bon oiseau « ; et dâun lévrier qui prend un lièvre corps à corps : » Câest un bon lévrier. Il semble, à les voir sâopiniâtrer à cet usage, que la grâce de la conversion soit attachée à ces énormes partitions. Il unit dâabord dâintérêt plusieurs faibles contre un plus puissant, pour rendre la balance égale ; il se joint ensuite aux premiers pour la faire pencher, et il leur vend cher sa protection et son alliance. Quelques-uns, pour étendre leur renommée, entassent sur leurs personnes des pairies, des colliers dâordres, des primaties, la pourpre, et ils auraient besoin dâune tiare ; mais quel besoin a Trophime dâêtre cardinal ? Celui qui dit incessamment quâil a de lâhonneur et de la probité, quâil ne nuit à personne, quâil consent que le mal quâil fait aux autres lui arrive, et qui jure pour le faire croire, ne sait pas même contrefaire lâhomme de bien. Le docile et le faible sont susceptibles dâimpressions : lâun en reçoit de bonnes, lâautre de mauvaises ; câest-à -dire que le premier est persuadé et fidèle, et que le second est entêté et corrompu. Dâoù vient cette contrariété ? Comment ? Donné du ciel pour prolonger la félicité de la terre. Tels arrêts nous déchargent et nous renvoient absous, qui sont infirmés par la voix du peuple. Les esprits forts savent-ils quâon les appelle ainsi par ironie ? ¶ Il nây a que nos devoirs qui nous coûtent, parce que, leur pratique ne regardant que les choses que nous sommes étroitement obligés de faire, elle nâest pas suivie de grands éloges, qui est tout ce qui nous excite aux actions louables et qui nous soutient dans nos entreprises. Ils obéirent ; mais lâannée suivante, Philon ayant succédé à Sophocle, qui était sorti de charge, le peuple dâAthènes abrogea cette loi odieuse que ce dernier avait faite, le condamna à une amende de cinq talents, rétablit Théophraste et le reste des philosophes. Esope ne leur dirait-il pas : La gent volatile dâune certaine contrée prend lâalarme et sâeffraye du voisinage du lion, dont le seul rugissement lui fait peur : elle se réfugie auprès de la bête qui lui fait parler dâaccommodement et la prend sous sa protection, qui se termine enfin à les croquer tous lâun après lâautre. Câest assez pour soi dâun fidèle ami ; câest même beaucoup de lâavoir rencontré : on ne peut en avoir trop pour le service des autres. Trouvé à l'intérieur – Page 282Il est étonnant qu'un Voyageur éclairé avance si gratuitement cette opinion . Que les Japonois n'ayent adoré que leurs propres Heros & les grands hommes de leur Pays , c'est ce qu'on ne contestera pas : mais si l'on accorde que tres ... » et bientôt il les étale et vous les montre. â¡ Dans la guerre, la distinction entre le héros et le grand homme est délicate ; toutes les vertus militaires sont lâun et lâautre : il semble néanmoins que le premier soit jeune, entreprenant, dâune haute valeur, ferme dans les périls, intrépide ; que lâautre excelle par un grand sens, par une vaste prévoyance, par une haute capacité et par une longue expérience : peut-être quâAlexandre nâétait quâun héros, et que César était un grand homme. Quelle misère ! Une pareille somme est comptée dans ses coffres pour chacun de ses autres enfants quâil doit pourvoir, et il a un grand nombre dâenfants ; ce nâest quâen avancement dâhoirie : il y a dâautres biens à espérer après sa mort. Tous les hommes, par les postes différents, par les titres et par les successions, se regardent comme héritiers les uns des autres, et cultivent par cet intérêt, pendant tout le cours de leur vie, un désir secret et enveloppé de la mort dâautrui : le plus heureux dans chaque condition est celui qui a plus de choses à perdre par sa mort, et à laisser à son successeur. Il nâa pour ceux qui lui parlent dâaffaire que cette seule réponse : « Jây penserai. Trouvé à l'intérieur – Page 282Il est étonnant .qu'un Voiageur éclairé avance fi gratuitement cette opinion . Que les Japonois n'aient adoré que leurs propres Héros & les Grans hommes de leur Païs , c'est ce qu'on ne contestera pas : mais si l'on accorde tres Nations ... Il écoute, il veille sur tout ce qui peut servir de pâture à son esprit dâintrigue, de médiation et de manège. Celui qui depuis quelque temps à la cour était dévot, et par là , contre toute raison, peu éloigné du ridicule, pouvait-il espérer de devenir à la mode ? Ainsi cette découverte de la réalité a-t-elle pour unique objectif de permettre au lecteur de fuir la réalité du monde qui l’entoure, ou pouvons-nous en déceler d’autres fonctions ? Riez, Zélie, soyez badine et folâtre à votre ordinaire ; quâest devenue votre joie ? Quâest-ce que le sublime ? Ctésiphon et Euphrosyne se voient tous les jours, sâaiment, songent à sâépouser, sâépousent. Je faillis me précipiter chez Taratonga. Dâautres ont un seul nom dissyllabe, quâils anoblissent par des particules dès que leur fortune devient meilleure ; Celui-ci par la suppression dâune syllabe fait de son nom obscur un nom illustre ; celui-là par le changement dâune lettre en une autre se travestit, et de Syrus devient Cyrus. Lâhonnête homme tient le milieu entre lâhabile homme et lâhomme de bien, quoique dans une distance inégale de ces deux extrêmes. Je ne sors pas dâadmiration et dâétonnement à la vue de certains personnages que je ne nomme point ; jâouvre de fort grands yeux sur eux, je les contemple : ils parlent, je prête lâoreille ; je mâinforme, on me dit des faits, je les recueille, et je ne comprends pas comment des gens en qui je crois voir toutes choses diamétralement opposées au bon esprit, au sens droit, à lâexpérience des affaires du monde, à la connaissance de lâhomme, à la science de la religion et des mÅurs, présument que Dieu doive renouveler en nos jours la merveille de lâapostolat, et faire un miracle en leurs personnes, en les rendant capables, tout simples et petits esprits quâils sont, du ministère des âmes, celui de tous le plus délicat et le plus sublime ; et si au contraire ils se croient nés pour un emploi si relevé, si difficile et accordé à si peu de personnes, et quâils se persuadent de ne faire en cela quâexercer leurs talents naturels et suivre une vocation ordinaire, je le comprends encore moins. Une autre fois il rend visite à une femme, et, se persuadant bientôt que câest lui qui la reçoit, il sâétablit dans son fauteuil, et ne songe nullement à lâabandonner : il trouve ensuite que cette dame fait ses visites longues, il attend à tous moments quâelle se lève et le laisse en liberté ; mais comme cela tire en longueur, quâil a faim, et que la nuit est déjà avancée, il la prie à souper : elle rit, et si haut, quâelle le réveille. a-t-elle introduit les fidéicommis, ou si même elle les tolère ? Tant que les hommes pourront mourir, et quâils aimeront à vivre, le médecin sera raillé, et bien payé. Les fourbes croient aisément que les autres le sont ; ils ne peuvent guère être trompés, et ils ne trompent pas longtemps. Quelque bien instruit que vous soyez de la misère de leur condition, vous ne pensez pas à lâadoucir ; vous ne le pouvez pas en effet, vous tenez table, vous bâtissez ; mais vous conservez par reconnaissance le portrait de votre bienfacteur, qui a passé à la vérité du cabinet à lâantichambre : quels égards ! Il ne lui arrive point de rendre visite à personne sans prendre la précaution dâenvoyer quelquâun des siens pour avertir quâil va venir. Celui qui aime assez pour vouloir aimer un million de fois plus quâil ne fait, ne cède en amour quâà celui qui aime plus quâil ne voudrait. quelle violence ! Rien ne ressemble plus à la vive persuasion que le mauvais entêtement : de là les partis, les cabales, les hérésies. Quand un courtisan sera humble, guéri du faste et de lâambition ; quâil nâétablira point sa fortune sur la ruine de ses concurrents ; quâil sera équitable, soulagera ses vassaux, payera ses créanciers ; quâil ne sera ni fourbe ni médisant ; quâil renoncera aux grands repas et aux amours illégitimes ; quâil priera autrement que des lèvres, et même hors de la présence du Prince ; quand dâailleurs il ne sera point dâun abord farouche et difficile ; quâil nâaura point le visage austère et la mine triste ; quâil ne sera point paresseux et contemplatif ; quâil saura rendre par une scrupuleuse attention divers emplois très compatibles ; quâil pourra et quâil voudra même tourner son esprit et ses soins aux grandes et laborieuses affaires, à celles surtout dâune suite la plus étendue pour les peuples et pour tout lâEtat ; quand son caractère me fera craindre de le nommer en cet endroit, et que sa modestie lâempêchera, si je ne le nomme pas, de sây reconnaître : alors je dirai de ce personnage : « Il est dévot » ; ou plutôt : « Câest un homme donné à son siècle pour le modèle dâune vertu sincère et pour le discernement de lâhypocrite. Quelque désagrément quâon ait à se trouver chargé dâun indigent, lâon goûte à peine les nouveaux avantages qui le tirent enfin de notre sujétion : de même, la joie que lâon reçoit de lâélévation de son ami est un peu balancée par la petite peine quâon a de le voir au-dessus de nous ou sâégaler à nous. Lâhyperbole exprime au delà de la vérité pour ramener lâesprit à la mieux connaître. Eumolpe, lâun de ces hommes qui nâont point de grands-pères, a eu un père du moins qui sâétait élevé si haut, que tout ce quâil a pu souhaiter pendant le cours dâune longue vie, çâa été de lâatteindre ; et il lâa atteint. Je suppose néanmoins que le livre qui fait mention de César ne soit pas un livre profane, écrit de la main des hommes, qui sont menteurs, trouvé par hasard dans les bibliothèques parmi dâautres manuscrits qui contiennent des histoires vraies ou apocryphes ; quâau contraire il soit inspiré, saint, divin ; quâil porte en soi ces caractères ; quâil se trouve depuis près de deux mille ans dans une société nombreuse qui nâa pas permis quâon y ait fait pendant tout ce temps la moindre altération, et qui sâest fait une religion de le conserver dans toute son intégrité ; quâil y ait même un engagement religieux et indispensable dâavoir de la foi pour tous les faits contenus dans ce volume où il est parlé de César et de sa dictature : avouez-le, Lucile, vous douterez alors quâil y ait eu un César. Il faut, sâil se peut, ne point songer sa passion pour lâaffaiblir. ¶ Vous dites quâil faut être modeste, les gens bien nés ne demandent pas mieux : faites seulement que les hommes nâempiètent pas sur ceux qui cèdent par modestie, et ne brisent pas ceux qui plient. Ses créanciers lâen ont chassé : il a tourné la tête, et il lâa regardée de loin une dernière fois ; et il est mort de saisissement. Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres. Un héros, un Achille y succomberait. Songez-vous que câest une goutte dâeau que vous puisez du Tibre pour enrichir Xantus, que vous aimez, et pour prévenir les honteuses suites dâun engagement où il nâest pas propre. â¡ Un honnête homme se paie par ses mains de lâapplication quâil a à son devoir par le plaisir quâil sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, lâestime et la reconnaissance, qui lui manquent quelquefois. Qui peut dire pourquoi quelques-uns ont le gros lot, ou quelques autres la faveur des grands ? Sujet 2 : La croyance échappe-t-elle à toute logique ? La vogue, la faveur populaire, celle du Prince, nous entraînent comme un torrent : nous louons ce qui est loué, bien plus que ce qui est louable. Ainsi le poète, rempli de grandes et sublimes idées, estime peu le discours de lâorateur, qui ne sâexerce souvent que sur de simples faits ; et celui qui écrit lâhistoire de son pays ne peut comprendre quâun esprit raisonnable emploie sa vie à imaginer des fictions et à trouver une rime ; de même le bachelier plongé dans les quatre premiers siècles, traite toute autre doctrine de science triste, vaine et inutile, pendant quâil est peut-être méprisé du géomètre.
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